L'expérience de l'incomplétude est issue d'une science plutôt en recherche d'une vérité-cohérente tout en sachant que le réel en soi reste inatteignable. Tout est complexe, l'ultime reste hors de portée des humains, il mène souvent à des contradictions insurmontables ou à des prétentions douteuses. 

Nous connaissons la distinction entre être, avoir et paraître. Mais comment être en son être véritable?

Faut-il avoir été choyé, respecté, aimé, stimulé ou contesté avec amour et tendresse pour être en son être véritable ? Faut-il avoir compté pour des tiers, avoir été important pour eux ? Que se passe-t-il si nous ne l’avons pas été ? Où situer la frontière entre le normal et le pathologique ? Elle sera dans l’impossibilité de rebondir ou de concilier les déceptions inévitables de la vie et des vivants, donc dans l’adoption de réponses malheureuses et inadaptées. Elles seront principalement de trois types.

1% de la population va développer une réponse narcissique, un amour démesuré de soi accompagné de fantasmes persistants de succès grandiose, de pouvoir, de brillance, de beauté ou d’amour idéal ;

le narcissique développe la conviction d’être exceptionnel qui donne droit à un traitement spécial ; la personne pense mériter un traitement de faveur, de l’attention et des compliments. Elle pense avoir le droit de profiter des autres à de fins personnelles ; elle peut se montrer envieuse ou croire que les autres la jalouse ; elle adoptera facilement des comportements arrogants et hautains. Mais toutes ces stratégies ne servent qu’à faire illusion.

D’autres vont préférer se mortifier.  Les personnes masochistes vivent constamment dans la peur, l’insécurité et sont très dépendantes des autres, car elles ont besoin que quelqu’un soit témoin de leurs sacrifices.

Elles pensent sans cesse que tout est de leur faute et qu’elles méritent d’être punies. Lorsqu’elles sont à deux doigts de réussir quelque chose, elles s’arrangent pour échouer, pour que tout aille de travers. Elles se méfient de tout ce qui pourrait être agréable, simple, léger, innocent. Elles construisent leurs malheurs, en cherchant à adopter le rôle de victime. Elles se sacrifient pour se sentir utiles, sont faussement humbles, mais possèdent des traits égocentriques et vivent dans la peur que tout finira tragiquement.


La 3è catégorie qui s’exprime au début de l’âge adulte concerne la personnalité sadique caractérisée par un comportement composé d'un ensemble de conduites agressives, cruelles ou dégradantes pour les victimes.

Le sadique peut recourir à la cruauté ou à la violence physique dans l'intention jubilatoire de dominer quelqu'un ; il aime humilier ses victimes en présence d’autrui, maltraiter ou punir de façon excessive un subalterne ou un membre de sa famille, les plus faibles mais aussi les animaux ; il prend  plaisir à blesser ou à faire souffrir, à intimider, à mentir, à manipuler, à contraindre, à faire plier les autres, à limiter leur autonomie, à surveiller et espionner ; il aime les armes, les objets de mort qui alimentent ses fantasmes. Il est agressif envers tout le monde sans que son plaisir ne soit d’ordre sexuel. L’illusion est dans la force. 
Quand l'amour est blessé – nous dit Maurice Bellet - il risque en sa déchirure, toutes sortes de démesures inhumaines : le silence, la rage, le froid, la jalousie, la culpabilité ou la honte, mais il devient surtout haine conjuguée en logiques infernales car la haine est l'amour lui-même devenu impossible qui se mue en destruction, en se déchirant du dedans en une tristesse sans fond ou en ressentiment effrayant. D'elle peut dériver une énergie extrême vers la frénésie de jouir, l'avidité, l'ambition, le sexe, le pouvoir, l’argent. Elle peut aussi mener à l'abattement complet, à l'échec à répétition, à la déception programmée ;

la douleur de l'absence, celle de l'impuissance conduisent à vouloir détruire, ou encore à la résignation, à la dureté, à l'indifférence, au cynisme tranquille même si la brûlure demeure ! La logique infernale fait fructifier le malheur en autant de revendications et ressentiments. On n’en finit pas de cette tristesse-dépit-colère-injustice. Comment en sortir?

Pour être en son être véritable et sortir de cette tristesse-dépit-colère-injustice, il faut s'éveiller à notre double nature humaine et divine.

L'Eveil y sera une renaissance.

L'amour s'ancre bien sûr dans des histoires individuelles, familiales et sociales. Dans le chaotique aussi et ses fantasmes : c'est le domaine de la honte jouissive quand la victime se pare des blessures subies et se vit en objet jeté et repris pour assouvir la violence de l'autre. La haine se décline en magie de l'extrême qui peut aller vers l'anorexie, la drogue, l'alcool, la secte, vers ce qui sera perçu comme dérives extatiques et jouissances morbides. Il n'y a plus de souffle : juste un corps distordu, déchiqueté. Une déshumanisation qui met en scène le hurlement muet de la destruction mais qui nous dit aussi ce que devrait être le principe d'humanité. Ici, la dynamique de guérison est bien une résurrection : il s’agit de laisser venir le courage d'être soi-même avec ses ombres et ses lumières en faisant face aux autres sans honte, tristesse ni désespoir. C’est l’invitation d’en-haut à quitter ce qui est pris de force, obtenu par ruse, chantage, séduction ou dette imposée. Refus de toute violence inutile illustré notamment en Jésus Christ qui voulait que tout soit régi par l’amour fraternel, la bonté ou la gratuité du don.  Il s'agira de consentir à notre double nature : à cette humanité fragile, faillible et mortelle d'où surgit souvent un cloaque d'iniquités.

Et se risquer pourtant à cette Présence ineffable, à l'expérience d'une puissance de Vie, d’une ferme tendresse humaine et divine qui est capable - comme l’affirmait Maurice Bellet - de faire reculer nos fascinations démentes pour la mort et le non-amour, dans le grand désir que tout soit sauf en tous, par cet Accueil où chacun va comme il peut, d'où il est, comme il est, sans crainte ni désespoir, un humain parmi les autres.

Naître là, dans cette Présence ineffable est lutte pour maintenir le désir que tout soit sans rudesse ni violence vécue dans la patience d'avancer à son pas comme dans le refus de (se)faire violence. Tout est appelé ici à être relations justes, renaissances, puissance critique et processus créatifs en lien avec le Tout (Dieu, la nature, soi, les autres, etc.), pour que vive la vie.

Il faudra nécessairement nous libérer notamment de notre passe-temps favori qui consiste à tout idéaliser ou à tout diaboliser, à vomir les autres ou à les dévorer ! Nous encourager mutuellement à ne plus chercher le salut dans la force, la fuite ou l’oubli, le mensonge ou l’illusion. Cette clarification est indispensable pour apprendre à nous aimer sans enflure ni tristesse, sans tout ramener à soi. Pour être en notre être véritable, nous nous centrerons sur la joie tragi-comique qui nous encourage à donner et de recevoir gratuitement, sans chagrin ni contrainte, à privilégier les capacités de notre cerveau moral : nous lui devons le sens de la collaboration, de l’équité, l’empathie, la compassion et l’altruisme, la transcendance ou encore les expériences extrasensorielles.

 

Et nous demanderons au mystère divin de nous aider à nous écarter de cette quête absurde d’une image idéale de soi-même et de la volonté de nous rendre aimable qui nous pousse invariablement à l’hypocrisie et au mensonge. Nous nous en irons vers le courage d’être chacun avec ses ombres et ses lumières en faisant face aux autres sans honte, tristesse ni désespoir. 

Voilà ce qu’il faut pour commencer à oser être en son être véritable… 

Nous aurons aussi à oser une partenariat créatif avec le divin (la Source, la Matrice, l'Intelligence première, l'Omniscient...):