Le pire est-il toujours certain ?

     La loi dite de Murphy le prétend. Mellen Thomas Benedict est persuadé du contraire ; il a reçu cette réponse divine au demeurant limpide lors de son EMI/NDE : « Souviens-toi de cela et ne l’oublie jamais : vous vous sauvez, vous vous rachetez, vous vous guérissez vous-mêmes. Vous le pouvez toujours. Vous le pourrez toujours. Vous avez été créés avec le pouvoir de le faire depuis avant le commencement du monde ». 

     Où faut-il chercher un tel pouvoir ? Dans ce qu’il est courant d’appeler le subconscient ? Joseph Murphy le pensait et l’a formulé à travers l’idée de la puissance du subconscient. Sachant que nous prenons environ 6'000 décisions inconscientes par jour, il serait peut-être judicieux de s’en préoccuper.

Se peut-il que la loi de la vie en soit la foi ?

Ainsi pour Murphy, le pouvoir de recevoir serait lié à la foi.  Ou plutôt, ce n’est pas la chose en laquelle vous croyez, mais la croyance maintenue dans votre propre esprit qui donne un résultat.

 

Peu importe que la chose à laquelle vous accordez foi soit vraie ou fausse, vous obtiendrez des résultats. Votre subconscient réagit à vos pensées. Il suffirait donc de surveiller nos pensées et nos convictions intimes, de bien les orienter pour que notre subconscient fasse le reste en nous comblant de ses bienfaits. « Je puis tout par la puissance de mon propre esprit subconscient ». Tout en découle : les conditions, expériences et évènements. Il faut donc en maîtriser le scénario par la pensée.

Murphy rejoint en cela ce verset du livre des Proverbes en 4.23 : Prends garde à ce que tu penses au fond de toi-même : c'est plus important que tout, car ta vie même en dépend.

Marc-Aurèle quant à lui, l'empereur romain, aimait à dire : « Ce ne sont pas les faits qui déterminent notre vie, mais ce que nous en pensons. »

En réalité, il faudrait plutôt dire : « Je puis tout par la puissance de ma Conscience cosmique » ; ce n’est pas juste la pensée seule qui fait tout : pour être efficace, elle doit être couplée avec la conviction intime, l’intentionnalité, le sentiment ou l’émotion déposés auprès de l’Univers. Notre dépôt sera ce à quoi nous accordons foi, aussi unique que nos empreintes digitales ! Car notre perception du Réel se fait à travers un réseau de convictions intimes, un filtre spécifique d’encodage de la réalité. Et cela peut nous jouer des tours ! En bien ou en moins bien : la science appelle cela l’effet placebo et nocebo.

 

Deux histoires véridiques l’attestent : L’état général d’un patient hospitalisé dans un hôpital régional autrichien se dégrade. Les médecins ne comprennent pas pourquoi. Ils annoncent qu’ils vont soumettre son cas à un professeur venu de Vienne. Le jour arrive ; les médecins présentent au malade le professeur qui consulte le dossier en prononçant tout doucement « moribundus ». Le malade a entendu vaguement et se dit alors que le fameux professeur a trouvé ce qu’il avait. Son état s’est très vite amélioré et bientôt il fut guéri. Que se serait-il passé s’il avait compris qu’en réalité le médecin avait dit « moribond » ?

C’est l’effet placebo. À l’inverse, une peur panique ou une très forte conviction intime peut conduire à la mort. Un journaliste américain voulait faire un reportage sur les conditions dans lesquelles les mexicains traversent la frontière américaine en utilisant les trains de marchandises. Il se rend donc à la frontière ; on était en novembre, il faisait déjà froid. À la gare frontière, il fallait se faufiler entre les policiers, les chiens, les rails. Notre journaliste se risque de nuit ; il parvient de justesse à se faufiler dans un wagon sans se faire attraper. Il referme la porte sans vérifier s’il pouvait la ré-ouvrir. Peu à peu le froid devient intense. Le journaliste entend un bruit inquiétant comme s’il s’était enfermé dans un wagon congélateur. La panique le saisit. Il tente d’ouvrir la porte : impossible. Il est prisonnier. Il va écrire sur les murs du wagon son agonie et sera retrouvé mort de froid. Pourtant, ce qu’il avait entendu était un simple ventilateur !

Oui, nous pouvons mourir de peur !

En fait, nous nous sauvons, nous guérissons, ou nous aidons nous-mêmes à travers la Singularité, dans ce lieu de Sérénité et de Confiance où nous pouvons déposer nos attentes, nos besoins, nos souhaits en sachant que le Vivant nous aidera ou nous donnera la meilleure réponse disponible surtout si nos intentions sont belles, bonnes, généreuses ou désintéressées, et bien sûr, si l’environnement le permet. Nous informons l’Univers de ce que nous aimons, et Lui voit comment créer en retour des occurrences, des synergies ou des opportunités. Nous communiquons avec Lui en permanence, volontairement, consciemment ou non!

Notre condition humaine est cocasse, tragi-comique en somme ; vouloir ignorer la communication avec l’Univers est du plus haut comique parce qu’elle se fait de toute façon ; ne pas en apprendre le langage est du plus haut tragique car nous aurions tout à y gagner !

Sous le signe de l'angoisse:

Comme les disait le Pr en théologie systématique Pierre Bühler, nous sommes tous placés sous le signe de l'angoisse qui est fondamentalement ce vertige qui me saisit devant l'incertitude et la fragilité de la vie: tout est possible, tout peut arriver, rien n'est garanti. Rien n'est absolument sûr; l'avenir est inconnu: suis-je livré au néant? Naît alors une double angoisse: celles de la faute et celle du possible qui toutes deux engagent ma responsabilité. Avec pour conséquence un mélange de fatalisme et de culpabilité, l'illusion de pouvoir y échapper ou de les maîtriser. De les fuir ou de les subir.

Fondamentalement, la structure de la vie est celle de l'appel-réponse; le croyant est à l'image de Dieu dans la mesure où il faut correspondre sa vie à l'instance dernière

Nous sommes fondamentalement notre relation au monde et aux autres; ma qualité d'humain se joue toujours dans une existence toujours engagée concrètement dans des relations multiples: en relation avec soi-même, les autres et le monde; et mon identité m'est donnée dans une adéquation aux relations vécues, dans cette compréhension globale qui me permet de m'adapter à ma réalité quotidienne. Le mal va se définir ici comme inadéquation - et non pas seulement comme un acte mauvais - car je reste redevable de la prise en charge de mon attitude fondamentale Devant le monde et devant Dieu comme instance suprême. L'existence en forum conduit à l'existence en procès conduit par ma conscience morale que je peux refuser, nier ou contourner. Revendiquer mes errances ou les minimiser. Dans l'activité et la passivité qui pourtant se situe face à l'angoisse du bien et du mal, dans une fascination-répulsion,  dans une activité passive et une passivité active, dans un mensonge illusoire et une illusion mensongère. Pour sortir de ce cadre normatif, la foi chrétienne nous propose de désespérer de tout, de nous défaire de nos attaches et même du désespoir auquel nous aimerions nous accrocher. Le salut devra venir de l'extérieur.

Dans la perspective chrétienne, le Royaume des cieux ressemble à une personne qui se rend compte qu'elle ne viendra jamais à bout de ce qui pèse - la convoitise, la rivalité, la faute, la culpabilité et le perfectionnisme -, qu'elle n'atteindra jamais une image idéale d'elle-même qu'elle croyait nécessaire pour se rendre acceptable et aimable. Elle accueille alors son impuissance radicale ; elle s'ouvre ainsi à l'avenir, à la nouveauté, à l'autre/au divin avec confiance ; elle renonce à expier son malheur par une vie de fuite, d'hypocrisie, de devoir ou de mensonge, et  sur tout de tout recours à la violence.

 

« Dans le monde économique plus vous dépensez, relève Georges Haldas, plus vous vous appauvrissez. Dans le Royaume du non espace-temps, c'est tout le contraire. Plus vous vous dépensez pour l'autre, plus vous vous enrichissez. » Le Christ ne nie ni le biologique, ni le social. Il est au-delà. « Cette vie de résurrection telle qu'elle est ouverte par le Christ, commande une manière d'être qui se prépare maintenant en choisissant de vivre une vie de relations marquées par l'anti-puissance, par l'anti-meurtre, par une manière de vivre bénéfique pour autrui. »

Le défi de la violence:

Les personnes victimes de violences répétées - 20% des femmes et 8% des hommes en France - présentent de grandes difficultés à gérer leurs émotions: elles peuvent avoir des comportements paradoxaux orientés vers la destruction de soi ou de l'autre. Leur personnalité est fragmentée.

Elles présentent des phénomènes de déconnexion psychique appelés dissociation qui survient quand il y a hyperstimulation des amygdales situées dans le cerveau émotionnel; cette sollicitation va déconnecter le cortex cérébral qui nous permet d'analyser et de contextualiser les événements. Il s'en suit des comportements excessifs et addictifs: autoagressions (suicide, mutilations), prises de risques (conduite, sexe, etc.), boulimie ou anorexie, jeux d'argent, achats compulsifs, adhésion à des mouvements violents, à des sectes, actes violents, délinquance…

Comme l’écrivait Placide Gaboury « on ne détruit pas les ténèbres en luttant contre elles, mais en allumant la lumière. On ne détruit pas le mal en luttant contre lui, mais en faisant le bien. On ne détruit pas la haine ou la peur en s’acharnant contre elles, mais en laissant monter la tendresse-amour. C’est en allant vers l’est qu’on s’éloigne de l’ouest. C’est en allant vers plus de vie qu’on dépasse la mort. C’est en allant vers ce qui dure qu’on est libre de ce qui ne dure pas. »

La positive attitude est une voie incontournable, bien imagée par ces mots de Khalil Gibran : « J’ai appris -disait-il-  le silence du bavard, la générosité de l’avare, la bonté du méchant. Je dois être reconnaissant envers tous ces maîtres-là ! »

Parier sur les petits gestes assumés de fraternité comme nous le raconte cette histoire : « Un jour, dit la légende, un incendie commence à ravager la jungle. Affolés, hommes et bêtes fuient en tous sens. Seul un petit colibri, sans relâche, fait l'aller et retour de la rivière au brasier, une minuscule goutte d'eau dans son bec, pour la déposer sur le feu. Un toucan à l'énorme bec l'interpelle : "Tu es fou colibri, tu vois bien que cela ne sert à rien." "Oui je sais, répond le colibri, mais je fais ma part." Interloqué, le toucan commença à faire de même, bientôt imité par dix, cent toucans. Les éléphants s'y mirent… Voyant le manège des animaux, les villageois s'y mirent également… Au bout du compte, il y eut bien quelques plumes roussies et quelques pieds brûlés, mais cette nuit-là, un petit colibri a sauvé la forêt. »

Le désir mimétique

Le désir mimétique est associé à la mimésis d'appropriation.  René Girard note en premier lieu dans le comportement humain (et même animal) une dimension imitative, c'est-à-dire une volonté d'imiter son semblable. Cette mimésis est indispensable à l'homme pour être homme justement. Il apprend à parler, à marcher, à se conformer à des lois, à s'intégrer dans une culture. René Girard fait une distinction entre la mimésis d'apprentissage et la mimésis de rivalité, source de tous nos conflits.

La mimésis de l'antagoniste. L'homme est gouverné principalement par ce que René Girard appelle le désir mimétique qui se décline principalement à travers : La mimésis d'appropriation.  René Girard note en premier lieu dans le comportement humain (et même animal) une dimension imitative, c'est-à-dire une volonté d'imiter son semblable. Cette mimésis est indispensable à l'homme pour être homme justement. Il apprend à parler, à marcher, à se conformer à des lois, à s'intégrer dans une culture. René Girard fait une distinction entre la mimésis d'apprentissage et la mimésis de rivalité, source de tous nos conflits.

La mimésis de l'antagoniste.

L'homme est gouverné principalement par ce que René Girard appelle le désir mimétique.  La question fondamentale demeure ici : comment ne désirerais-je pas ce qu’un autre désire ? La question fondamentale demeure ici : comment ne désirerais-je pas ce qu’un autre désire ? Le désir mimétique est fondamentalement convoitise, désir de ce que l’autre a, désir de ce que l’autre est, et aussi par l’admiration portée, rejaillissement sur soi-même d’un lien avec la personne admirée qui conduit à une imitation mais encore à un gain. Le désir mimétique peut aussi s’attacher à une idéologie, une imagerie, une mode, un discours véhiculé par la société. Il ne tient que dans la logique de la dissimulation, dans la vanité et la quête de ce qui donne du piment, un plus à notre vie.

Selon René Girard, la forme ontologique du désir humain est mimétique. A ne désire pas un objet B pour ses propriétés particulières mais parce que C le possède. Il n’y a donc pas d’autonomie du désir mais une médiation : l’une externe (qui concerne l’inaccessible), l’autre interne qui fait de l’autre un modèle, un rival. « Seul l'être qui nous empêche de satisfaire un désir qu'il nous a lui-même suggéré est vraiment objet de haine. Celui qui hait se hait d'abord lui-même en raison de l'admiration secrète que recèle sa haine. Afin de cacher aux autres, et de se cacher à lui-même, cette admiration éperdue, il ne veut plus voir qu'un obstacle dans son médiateur. Le rôle secondaire de ce médiateur passe donc au premier plan et dissimule le rôle primordial de modèle religieusement imité. Dans la querelle qui l'oppose à son rival, le sujet intervertit l'ordre logique et chronologique des désirs afin de dissimuler son imitation. Il affirme que son propre désir est antérieur à celui de son rival ; ce n'est donc jamais lui, à l'entendre, qui est responsable de la rivalité : c'est le médiateur (René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque, Pluriel, p. 24-25) » L’objet du désir s’estompe toujours au profit du médiateur. S’en suit le schéma classique : désir – rivalité – crise. Cet aspect du désir mimétique peut prendre des formes diverses, réelles ou symboliques, qui se retrouvent dans une idéologie, l’imitation d’un modèle social, dans nos fascinations pour les produits de marques ou de luxe, etc. Le désir mimétique va de la simple convoitise en passant par la jalousie jusqu’à l’holocauste : il concerne la quasi-totalité des comportements individuels et collectifs depuis la nuit des temps. Cela veut dire, pour René Girard, que la civilisation repose en fait sur le meurtre, sur le mensonge, et sur la dissimulation de meurtre : « On ne veut pas savoir que l'humanité entière est fondée sur l'escamotage mythique de sa propre violence, toujours projetée sur de nouvelles victimes. Toutes les cultures, toutes les religions, s'édifient autour de ce fondement qu'elles dissimulent, de la même façon que le tombeau s'édifie autour du mort qu'il dissimule. Le meurtre appelle le tombeau et le tombeau n'est que le prolongement et la perpétuation du meurtre. La religion- tombeau n'est rien d'autre que le devenir invisible de son propre fondement, de son unique raison d'être (René Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde, p 244, Biblio essai.). »

Le « bouc émissaire » trouve ses origines dans une scène de l'Ancien Testament. Voici son récit : « Dieu demande que le grand prêtre, après avoir sacrifié un bouc, prenne un bouc vivant, mette sur la tête du bouc tous les péchés du peuple, puis le chasse dans le désert. »

La morale est on ne peut plus claire. En désignant une victime et en lui assenant tous les péchés qui sèmeraient la douleur et le désespoir au sein d'une communauté, on concentre en un seul point ce qu'il faut sacrifier. Ainsi entraîner le bouc hors de la cité - du latin caper emissarius, « le bouc envoyé dehors » - c'est non seulement expier ses maux mais chasser la cause même de tous les malheurs d'une cité. Ce, jusqu'à ce que l'homme ainsi dé-péché puisse à nouveau se dépêcher de pécher en toute impunité...

Si cette coutume sacrificielle, précise Françoise Claustres, «se tenait lieu une fois par an, à Yom Kippour, le jour du Grand Pardon, l'histoire donnera pour sa part, nombre d'exemples annuels et séculaires du boucs émissaires. Mais ce phénomène se retrouve en réalité dans toutes les cultures.

René Girard renverse une idée unanimement reçue dans la communauté scientifique et a fortiori dans le grand public, le préjugé selon lequel le sacrifice « religieux » (égorger un animal ou un être humain) serait destiné à calmer la colère des Dieux (chez les Grecs), ou à tester la foi des croyants (on pense au sacrifice d’Isaac par Abraham interrompu in extremis par un ange descendu du Ciel). Aux yeux du philosophe, le sacrifice n’est pas une affaire religieuse mais une affaire humaine.

Si les hommes vont jusqu’à tuer l’un de leurs semblables, ce n’est pas pour faire plaisir aux dieux, mais pour mettre fin à l’hémorragie de violence qui frappe le groupe, et partant le menace d’extinction. En proie à une violence meurtrière, la société primitive se choisit spontanément, instinctuellement, une victime, qui jouera le rôle à la fois de pansement et de paratonnerre. De pansement, parce qu’elle va recueillir en sa seule personne toute l’agressivité diffuse et soigner le mal ; de paratonnerre parce qu’elle sera remobilisée, sous forme symbolique, chaque fois que la communauté replongera dans la violence. Ainsi se met en place, selon Girard, le rite du bouc émissaire, dont la vertu première est de transformer le « tous contre tous » en « tous contre un ».

Le bouc émissaire humain n’est pas tiré au hasard ; c’est un personnage que ses qualités victimaires prédisposent à occuper la fonction de bouc émissaire. Afin d’expulser cette violence intestine, le bouc émissaire doit en effet correspondre à certains critères. Premièrement, il faut que la victime soit à la fois assez distante du groupe pour pouvoir être sacrifiée sans que chacun se sente visé par cette brutalité et en même temps assez proche pour qu’un lien cathartique puisse s’établir (on ne peut expulser que le mal qui est en nous...).

Aussi, le véritable bouc émissaire de la tradition hébraïque est à la fois différent par sa qualité d’animal et semblable par son caractère domestiqué.

Deuxièmement, il faut que le groupe ignore que la victime est innocente sous peine de neutraliser les effets du processus. Troisièmement, le bouc émissaire présente souvent des qualités extrêmes : richesse ou pauvreté, beauté ou laideur, vice ou vertu, force ou faiblesse. Enfin, la victime doit être en partie consentante afin de transformer le délire de persécution en vérité consensuelle. Dans les mythes, c’est souvent un prisonnier de guerre, un esclave, un enfant informe, un mendiant, Jésus…

Sa thèse fait état en Jésus d'un retournement de la violence mimétique qui marque la fin du règne de Satan en débusquant tous les mécanismes qui conduisent les humains à tomber sous sa coupe. Ce retournement induit un changement dans la tradition juive et d'abord dans la manière de considérer Dieu. L'homme est dédivinisé et dieu revictimisé, ce qui veut dire que le croyant retrouve la possibilité de l'innocence perdue par la volonté de connaître le bien et le mal, de savoir ce qui et bien pour lui. Le choix de Jésus de se faire la victime innocente pour en finir avec le recours au bouc émissaire constitue le dévoilement nécessaire au retour à l'innocence perdue. C'est ce que Satan ne pouvait prévoir, ce qui le fait tomber dans le piège dans lequel il était sorti triomphant puisque depuis toujours les humains finissaient par épouser le point de vue des bourreaux et par retomber – même après la catharsis de la violence – dans de nouvelles crises mimétiques. La relecture des disciples a mis fin à ce règne: désormais l'innocence – ou la catharsis sociale – ne peut plus être retrouvée dans le mensonge et la dissimulation, car Dieu lui-même a choisi de se faire victime innocente.

Nous verrons que le dépassement mimétique suppose dans la foi le passage de la logique des échanges à celui de la gratuité du don.

Comme dans tous les domaines de la vie, il en ira de la pureté de notre conviction intime et de nos intentions; de l'Amour qui nous habite, nous motive et nous guide puisque le divin favorise uniquement la liberté du Don et la gratuité sans s'ingérer dans nos vies ni nous imposer quoi que ce soit. Nous avons reçu la vie et la liberté: ce don ne nous sera pas retiré, pas plus qu'il ne sera limité, réduit ou restreint. Le divin privilégie l'harmonie et non le chaotique. Dès lors, toute attente d'imposition, de vengeance, de punition, de destruction est vaine; il n'y a que l'Amour et le Néant mais Dieu est Lumière, en Lui il n'y a aucune obscurité. Exit donc tous nos fantasmes et délires violents projetés au ciel! Dans la foulée, précisons qu'il est tout aussi inutile de vouloir séduire Dieu, s'attirer ses bonnes grâces et ses faveurs, lui obéir pour éviter sa colère ou craindre un quelconque enfer. Nous ne sommes pas menacés de mort ou de torture: nous sommes conviés à aimer, à préférer la Bonté à la nuit de nos fureurs archaïques. Ce Jugement a eu lieu une fois pour toutes en Jésus Christ: la lumière est venue dans le monde mais les humains, comme le dit l'évangile de Jean, n'en ont pas voulu; ce jugement  nous rencontre à tout instant dans le choix que nous faisons de suivre l'Amour ou son contraire le non-amour: d'écouter en somme nos angoisses, nos peurs, tristesses, colères, amertumes, convoitises, rivalités, jalousies, haines, mépris, etc. par lesquels tout se fige et se bloque en chaos et ténèbres.

    Soyons clairs: il n'y aura pas d'apocalypse divine, de grand bazar du jugement dernier, de retour du Christ pour juger les vivant et les morts car ce serait violence et imposition et le divin ne l'est pas! Nous n'avons pas à être trouvés justes pour éviter son courroux; le péché consiste seulement et uniquement à rater la cible, à générer du chaos et des ténèbres dans nos vies. Il est donc inévitable! Mais il n'y aura pas non plus de solution magique imposée à l'humanité, donc pas de paradis généré sans notre consentement. Et la mort n'aura pas le dernier mot: quelque chose de qui nous avons été survivra très probablement via la Conscience universelle, sous une forme énergétique, dans la mémoire divine de l'Espace-Temps.

La tradition judéo-chrétienne raconte la reconquête de l’innocence perdue. « La grâce est désormais, s’il est permis de risquer un paradoxe, la loi sous laquelle il nous est donné de vivre et de laquelle toute notre condition humaine reçoit ses impulsions et son style. Gratuité absolue, Amour inconditionnel de Dieu, elle est l’Amour qui libère l’homme pour l’Amour, la gratuité qui le libère pour la reconnaissance (C. Senft). »  Il s'agira de consentir à notre double nature : à cette humanité fragile, faillible et mortelle d'où surgit souvent un cloaque d'iniquités, que la croix de Jésus Christ dénonce. Et se risquer pourtant à cette Présence ineffable, à l'expérience d'une puissance de Vie, qui couvre tout, espère et endure tout, capable de faire reculer nos fascinations pour la mort et le mortifère du non-amour, dans le grand désir que tout soit sauf en tous, par cet Accueil où chacun va comme il peut, d'où il est, comme il est, sans crainte ni désespoir, un humain parmi les autres. Naître là, dans cette Présence ineffable est lutte pour maintenir le désir que tout soit, sans rudesse ni violence, vécu dans la patience d'avancer à son pas comme dans le refus de (se)faire violence. Tout est appelé ici à être relations justes, renaissances, puissance critique et processus créatifs en partenariat et en lien avec le divin.

   

Pour Maurice Bellet, l’ennemi, c'est la tristesse absolue, sans forme, sans mot ni visage, l’innommable. Elle est silence, communion avec l'en-bas. Déchéance - d'un être humain défait, méprisable, hors chemin, maudit – assimilée à la folie, la décrépitude, au crime, à la vie ratée, au mensonge. Rien n'est grandeur ni splendeur ; tout y est compulsion, obsession, haine, répétition de rite, chute et désespérance ; en tout premier lieu manque de cette première assurance qui devrait nous protéger de la haine et du goût de la destruction. L'en-bas campe dans la tristesse d'être, d'être là, qui je suis, de subsister sans remède. Cassure livrée aux émotions infernales, d'une irrépressible amertume qui contamine tout, sans que ça puisse se soigner.

 Et il y a l'en-bas de l'en-bas traversé par la honte, la haine et la peur, toutes trois rapportées à soi. Ce lieu-là, il faut le traverser pour en sortir. Mais comment ? Il fascine en autant de « je ne peux pas m'en empêcher. » C'est la mort qui parle en toute horreur. Rien ne s'entend. Bête de l'abîme ou tout s'abîme. Pourrissement du cœur et de l'âme. Pas de miséricorde, donc pas de Dieu, juste un maître flou, champion de toutes les fureurs et férocités ; celles des incapables et des meurtriers besogneux qui veulent construire un monde-camp, un camp heureux où les humains ne sont que des pions interchangeables sur l'échiquier gigantesque d'un en-bas peint en rose, un camp sous anesthésie. Impossible de poser une vue simple et cohérente : l'horreur du monde a contaminé aussi les bienfaits et les progrès de la civilisation, comme par en-dessous.

La haine est affaire humaine : elle n'est pas chez les animaux ; elle veut la destruction par tous les moyens, pulsion indicible qui se réduplique en haine dans la haine, honte dans la honte, etc. Pour la guérir, il faudrait la dureté de la tendresse qui ne cède rien au pouvoir du meurtre. Une haine absolue de la mort, qui est amour envers tout l'homme et tous les humains.

C’est ainsi que la vie nous engage à aimer, elle ne fait que cela vraiment. Nous sommes invités d’en-haut à y consentir dans une complicité joyeuse. Nous vivrons dans ce retournement fondamental où la vie succède à la mort, à cette insurrection contre ce qui nous fait office d'évidences.  Non plus dans la logique marchande de la valeur ajoutée, pas plus dans l’obsession de l’avoir et du paraître. Encore moins dans une obéissance religieuse. Nous serons plutôt dé-fascinés, en désintoxication permanente, en ruptures signifiantes avec nos désirs et délires de puissance, de jouissances et de gloire ; en quête de cet au-delà à l’immanence qu’il nous est donné de vivre dans ce don - un presque rien - qui change tout: La confusion entre le sacré et le saint, la fin et les moyens, est à dépasser.

Nous devons justement à Jésus Christ d'avoir introduit la distinction entre le sacré, dans lequel s'origine nombre de violences, à ce qui est saint relevant plutôt de l'amour et de la non-violence.

Tout peut être déclaré sacré : la nation, la terre, le peuple, le Temple, la pureté rituelle, le sabbat, la Loi, la différence sexuelle, la richesse, le profit, le pouvoir des clercs, l'armée, l'église, le pape, Mahomet, la Bible, le Coran, etc. Et tout manquement ou toute atteinte au respect de ces notions sacrées doivent être punies. C'est alors l'escalade symétrique incontrôlable. La justification de la violence. L'illusion d'un ordre stable à protéger par l'imposition fanatique. Ce qui conduit invariablement aux dérives de l'obéissance formelle, hypocrite, extérieure.

Face à toutes ces dérives, Jésus Christ nous apprendra à préférer fermement la sainteté au sacré, la libre obéissance du cœur, le négatif défié, endigué et dominé, jusque - et y compris - dans l'amour des ennemis.

La dynamique du positif, voilà ce qui est saint, à chercher partout dans le mouvement bienheureux du Tout-Opposé-au-Chaos, Dieu en d’autres termes. Nous opposerons au Chaos naturel ou engendré le désir ferme que l'amour soit la vérité de tout et l'épreuve de vérité, selon la formule de Maurice Bellet; la fin de la confusion et la quête d'une opportunité:

Le tout vécu dans la bienveillance, la bonne volonté, le libre arbitre, la bienfaisance, le soin mutuel, le respect, l'accueil non-violent qui sont à l'image et à la ressemblance de la Tendresse supposée du Père.

 

J’éprouve l’émotion la plus forte devant le mystère de la vie. Ce sentiment fonde le beau et le vrai, il suscite l’art et la science. Si quelqu’un ne connaît pas cette sensation ou ne peut plus ressentir étonnement ou surprise, il est un mort vivant et ses yeux sont désormais aveugles. Auréolée de crainte, cette réalité secrète du mystère constitue aussi la religion. Des hommes reconnaissent alors quelque chose d’impénétrable à leur intelligence mais connaissent les manifestations de cet ordre suprême et de cette beauté inaltérable. Des hommes s’avouent limités dans leur esprit pour appréhender cette perfection. Et cette connaissance et cet aveu prennent le nom de religion. Ainsi, mais seulement ainsi, je suis profondément religieux, comme ces hommes - dira Albert Einstein."

Une invitation permanente à croire et à s'émerveiller...