Carpe diem est une locution latine extraite d'un poème de Horace que l'on traduit en français par :
« Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain », littéralement « et <sois> le moins crédule <possible> pour le <jour> suivant » (
wikipedia) .

Le présent est la seule réalité à notre portée : le passé nous a échappé et le futur ne nous appartient pas.

Or, nous passons beaucoup de temps à regretter l’un et à appréhender l’autre. Ne pas vivre le moment présent, c’est donc tout simplement vivre dans une illusion. Être dans « l’ici et maintenant », ce n’est pas se voiler la face devant l’avenir ou agir comme si le passé n’avait pas été. C’est avoir conscience de ce qui se passe en soi et hors de soi, revenir à ses sensations et à ses émotions, savourer la vie et ne pas fuir systématiquement en cas de gêne ou de douleur… Adopter cette façon d’être au monde est l’une des meilleures solutions pour se protéger du pessimisme ambiant et apaiser ses propres angoisses personnelles. Et, ainsi, plus présent à soi et aux autres, pouvoir sans culpabilité ni complaisance se retourner sur son passé et se projeter dans l’avenir de manière à la fois sereine et réaliste (In www.psychologie.com).

          Pour Frédéric Lenoir, cette quête s'est amorcée dans les années 50/60: elle tend à l'accomplissement de soi, à la recherche du sens de la vie, d'une sagesse sans absolu; c'est un travail sur soi pour être mieux ou bien, pour aller vers ce qui est juste, plus vrai, pour grandir et s'appuyant sur les qualités de l'être humain. La recherche personnelle s'appuie sur les éléments pratiques de la spiritualité sans les éléments théologiques; c'est une quête au plus profond de soi; elle est donc fluctuante, tantôt mystique mais volontiers apophatique (en théologie = une approche qui préfère insister sur ce que Dieu n'est pas) car on a beaucoup trop parlé de Dieu au lieu d'en faire l'expérience…

           André Comte-Sponville (L’esprit de l’athéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu. Albin Michel 2006) plaide pour une approche sans dieu,  en faveur de " Moments de grâce dans un présent neuf qui échappent à l’engloutissement dans l’avenir ou dans le passé ; seul le présent existe et tout y est : nos pensées, nos mensonges, nos vérités, nos idées ou nos connaissances" ; tout est à mettre entre parenthèses pour que cessent nos conditionnements nés des bonnes mœurs, des bonnes manières ou de la politesse. Tout est revisité, mises entre parenthèses des dogmes des églises, des règles, des commandements, des partis politiques, des idéologies, etc. L’indépendance est le vrai visage de la spiritualité. Elle n’a toutefois rien à voir avec le libre arbitre, car pour le philosophe nous ne pouvons être (vouloir ou faire) autre chose que ce que nous sommes.

Être bien présent à soi comme aux autres, sans culpabilité ni complaisance, sans être prisonnier de son passé tout en pouvant se projeter dans l'avenir est une quête louable pour bien s'adapter à notre réalité. Mais c'est loin d'être simple à réaliser ! Frédéric Fanget psychiatre le dit en ces termes: " Rêver d’un avenir meilleur nous désenglue de notre histoire et nous pousse vers l’avant. Mais à l’inverse, tout miser sur le futur rend le présent infertile. A tout remettre à plus tard, nous ne construisons rien. C’est ce que l’on appelle la procrastination. Elle est le propre des grands angoissés qui redoutent les conséquences de leurs décisions. Ils ne se marient pas parce que ce n’est pas le partenaire idéal, ne font pas d’enfant parce qu’ils ne sont pas prêts, refusent du travail parce qu’ils n’ont pas trouvé leur voie… En ce sens, ils sont très proches des perfectionnistes, mais leur incertitude les paralyse. Or le bonheur n’advient pas tout seul, il faut le bâtir pas à pas, par améliorations successives. Réfléchir à la direction que l’on donne à sa vie est indispensable pour ne pas être dans l’errance. Mais parfois, il faut aussi savoir arrêter de se poser des questions pour vivre, tout simplement. Instant après instant, pas à pas..."

En avons-nous toutefois seulement les moyens?

 

Au cœur du malentendu

Quiconque veut s’en tenir uniquement à l’immanence devra faire sienne tout ou partie de la pensée de Camus. La conscience de l’absurde conduit à sa transgression en une révolte, une lucidité, un défi permanent mais néanmoins responsable. C’est une attitude exigeante doublée d’une tâche infinie qui va nécessiter le soupçon à l’encontre de l’habitude, des préjugés ou des convenances dont nous sommes esclaves. L’idéal de l’homme absurde se vit entre la certitude du non-sens et la révolte lucide sans la résignation qui devrait l’accompagner. Un projet noble impossible pourtant à garantir, car la nausée existentielle stimulante peut aussi devenir un désespoir paralysant.

            La pensée de Camus s’appuie sur un matérialisme érigé en savoir indépassable. Nous sommes au cœur du malentendu. L’humain ne peut être que sa propre et unique fin : là-dessus les tenants du déterminisme seront d’accord. Pourtant, dans ce cas de figure, il se pourrait bien – comble de l’absurde ! – que notre entité corps-conscience n’ait même pas réellement la possibilité, les moyens de sa rébellion, tant elle est sous l’influence de la chimie de notre corps et de notre cerveau. Nous pourrions, en réalité, en être les esclaves plus ou moins conscients. Une suspicion de plus à ajouter à la longue liste des pesanteurs de l’habitude, des préjugés ou des convenances. De quoi, bien sûr, renforcer encore la nausée existentielle tout en fragilisant la révolte ou le défi contre la résignation qui devrait l’accompagner. Peut-on – et faut-il alors – s’accrocher à la maxime disant qu’il faut désespérer de tout sans relâche? Et si oui, au nom de quel savoir ? Rien en ce domaine ne pourra avoir valeur de certitude, sinon justement que tout est incertain, relatif, subjectif, etc. L’un des pôles de référence de Camus, le savoir, s’en trouve déjà fortement fragilisé, en tous les cas compromis. Reste indubitablement la conscience, même partielle ou instinctive, de la double expérience de l’autonomie et de la confiance, de la liberté et de l’amour. 

Une quête éperdue

Comme l'a démontré G.van der Leeuw, dans son étude de la phénoménologie de la religion, il y a chez l’humain un désir profond de ne pas accepter simplement la vie qui lui est donnée ; il y a donc recherche de puissance – et surtout de sécurité - pour avoir une vie plus riche, plus profonde, plus ample  dans une quête du tout tantôt accessible tantôt inatteignable ; elle est expérience particulière, éprouvée, vécue mais aussi révélation jamais entièrement expérimentée dans la vie, référence à quelque chose d'étranger ou d’absurde qui traverse le chemin de notre humanité en venant contester nos raisons de vivre et nos attentes. Face aux aléas de la vie, aux drames et aux pertes, nous recherchons un Ce sans quoi nous serions livrés au néant justement.  Un Ce par quoi nous parvenons à contenir nos ténèbres et la fascination pour le chaos de la violence. 

Notre présent est toujours traversé par des peurs, des doutes, des angoisses, des appréhensions, des ressentiments, des frustrations, des certitudes ou des convictions intimes. Il est donc fonction de notre passé par l'encodage de la réalité via les ondes gamma: « Nous avons découvert l'existence d'ondes gamma rapides et lentes, venant de différentes zones du cerveau, exactement comme des stations de radio émettant sur des fréquences distinctes », explique Laura Colgin, auteur principal de l'étude et réalisant un post-doctorat au Kavli Institute for Systems Neuroscience and Centre for the Biology of Memory en Norvège. « Lorsque les cellules nerveuses veulent se connecter, elles synchronisent leur activité », poursuit Mlle Colgin. « Littéralement, elles accordent leur longueur d'onde. Nous avons notamment étudié le rôle des ondes gamma dans la communication entre des groupes de cellules dans l'hippocampe, et avons découvert ce qui peut être décrit comme un système de radios dans le cerveau. Les basses fréquences transportent la mémoire des expériences passées, les plus hautes véhiculent ce qui se passe sur le moment. » Pour être au présent, il faut donc s'être libéré de certaines pesanteurs de son passé ! L'avoir amadoué, retravaillé en pleine conscience.

Comme le fait remarquer Boris Cyrulnik, le bonheur est une idée récente née au 18 e s. mais elle est à inscrire en fonction de la notion corollaire du malheur ; le tout est en fait coloré par notre cerveau d'un sentiment correspondant. Une lésion dans l'hémisphère gauche provoque régulièrement des accès de mélancolie ; une représentation anticipée par un sentiment éveillé va solliciter des zones spécifiques ; certains neurologues déterministes ont voulu réduire nos comportements via l'ocytocine et la vasopressine. Mais en réalité, les conditions du lien associent aussi bien la souffrance du manque avec le plaisir des retrouvailles, le bonheur et le malheur, la peur et la sécurité, l'attachement avec l'angoisse, l'apaisement avec l'alerte, à travers tous les couples opposés imaginables ! Le couplage de la peur et de l'euphorie favorise des comportements ambivalents destinés à favoriser des événements euphorisants dans une triste existence.

Un toilettage de nos affects, de la mémoire du passé est donc indispensable pour cueillir le jour présent sans se soucier du lendemain, pour être plus présent à soi et aux autres, pouvoir sans culpabilité ni complaisance se retourner sur son passé et se projeter dans l’avenir de manière à la fois sereine et réaliste.

 

 

Une psychothérapie peut nous y aider.

La pratique de la méditation en pleine conscience nous sera bénéfique.

L'approche méditative de Nassim Haramein nous y aidera car en elle nous réalisons nos liens permanents avec le divin qui font que nous ne sommes plus des êtres voués à la mort ou au néant.